Togo / Radio Kanal FM : Un avertissement de la HAAC à la limite de l’exacerbation de la tension politique ?

Au Togo, le climat socio-politique actuel est secoué, d’un coté, par la problématique d’une Réforme de la Constitution avec pour objectif la V ème République et de l’autre, des Organisations de la Société Civile et partis politiques qui brandissent la Constitution de 1992 prônant la voie référendaire pour toute réforme et appelant à une transition politique. C’est dans cette atmosphère électrique que la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a recadré la Radio Kanal FM pour la diffusion de l’émission « Club de la Presse » le 18 mars 2025.

La HAAC, l’autorité souvent perçue comme étant le gendarme des médias, a fait une nouvelle sortie à l’endroit des confrères de Radio KANAL FM, suite à des plaintes concernant des propos jugés « tendancieux ». Dès lors, la HAAC publie un communiqué après avoir auditionné la Radio KANAL FM pendant une séance plénière exceptionnelle le 21 mars. Ainsi dans son communiqué n°006/HAAC/25/P, l’Instance de Surveillance et de Régulation énumère des manquements professionnels par rapport à l’émission « Club de la Presse ». Dans sa plainte, la HAAC a pointé du doigt la gestion des débats, relevant des propos jugés « tendancieux, non objectifs et sans preuves » de la part des invités, ce qui, selon l’autorité, risque de porter atteinte à l’ordre public et à la sécurité. Pour les besoins de l’émission, l’animateur, Pascal Lossou, et la rédactrice en chef, Patricia Adjisseku, ont invité Kwami Manti, secrétaire général adjoint du parti Alliance Nationale pour le Changement (ANC), et Isidore Akollor, directeur de publication du journal Actu-Express. L’autorité a alors souligné un déséquilibre flagrant dans le choix des invités et le traitement de l’information lors de l’émission.

KANAL FM fait son mea Culpa

Face aux reproches de la HAAC, Kanal FM a présenté ses excuses, expliquant qu’une série de difficultés organisationnelles avaient perturbé le bon déroulement de l’émission. Les responsables de la station se sont engagés à prendre des mesures correctives pour garantir un meilleur équilibre de l’information à l’avenir et à renforcer la rigueur dans la gestion des débats. Ils ont affirmé qu’ils prendraient dorénavant des précautions supplémentaires pour éviter de tels manquements et maintenir un cadre respectueux de la déontologie.

Audition et Rappel à l’ordre

L’audition avec KANAL FM a été déclenchée par une auto-saisine de la HAAC, conformément à l’article 35 de la loi organique n°2021-031 du 6 décembre 2021 relative à la régulation des médias. Le président de la HAAC, Pitalounani Telou, a profité de cette audition pour rappeler aux professionnels des médias l’importance du respect des règles déontologiques et éthiques. Il a insisté sur la nécessité d’une maîtrise des techniques d’animation des émissions interactives, en particulier celles en diffusion directe. En outre, il a exhorté les médias à veiller à la pluralité des opinions, en ouvrant davantage leurs antennes aux différentes tendances politiques pour promouvoir un débat équilibré. Un communiqué officiel a rappelé aux journalistes l’importance de respecter les principes déontologiques, notamment dans un climat politique déjà tendu.

A un moment inopportun ?

La plainte de la HAAC à l’égard de la Radio KANAL FM pour son émission « Club de la Presse » aurait-t-elle exacerbé un climat déjà tendu ? En tout cas, beaucoup d’observateurs pensent que le contexte politique actuel, n’est pas propice à une sortie publique de la HAAC pour un besoin de recadrage. L’opinion suggère que l’autorité qui d’ailleurs est dans son rôle, aurait pu jouer avec tact en se limitant à une simple remarque dans un premier temps surtout que l’émission « Club de la Presse » n’est pas source régulière de dérapages. De plus, les togolais ont encore en mémoire les années sombres de notre pays où des stations de radio ont été fermées manu militari au détriment de mesures correctives. Ainsi, le recadrage public de l’émission « Club de la Presse » sur KANAL FM pourrait être perçue comme une menace de la part l’audimat. Pour fautes professionnelles, la HAAC aurait pu également instruire discrètement la direction de cette radio pour recadrer les confrères de l’émission. Cette démarche aura plus d’efficacité et de productivité par rapport à la répression morale. L’autorité ne pourra porter plainte qu’en cas de dérive grave ayant fait véritablement entorse à la déontologie du métier. Une approche plus délicate répond le mieux au contexte politique actuel à l’égard d’une radio encore à l’épreuve de l’équilibre de l’information, dans une forme de gouvernance qui fait encore débat.

Le « Club de la Presse », est de loin l’une des émissions interactives de grande écoute au Togo et au sein de la diaspora. A ce titre, l’opinion prône une approche beaucoup plus sereine à l’égard de cette émission qui mobilise l’attention de tout un peuple, afin d’éviter une escalade.

Eric K