BANGUI, 31 MAI (ASPAMNEWS)-A la suite des caciques du parti au pouvoir et avec l’encouragement des représentants des groupes parlementaires acquis à la cause de la majorité présidentielle, Brice Kévin Kpakpayen n’a certainement pas mesuré la portée de l’acte suicidaire pour la Centrafrique qu’il posait. C’est ainsi que des manœuvres, intimidations et spéculations visant à fragiliser l’opposition démocratique se multiplient par des débauchages des élus de la nation appartenant à l’opposition en vue de s’approprier une majorité absolue à l’assemblée nationale et du coup modifier la constitution en sautant le verrou du mandat limité. Dans tout ça, l’opposition appelle le peuple au combat final si le verrou du mandat limité est sauté
Poussé par cette adrénaline qui permet aux sportifs de réaliser les plus grands exploits, le député lui posera un acte bien piteux, sous la forme de l’introduction d’un projet de modification de plusieurs articles de la Constitution, toute chose qui devrait exploser le verrou de la limitation du nombre de mandats présidentiels.
Pour confirmer à l’opinion internationale que la modification de la constitution et aller au mandat illimité émane du peuple, quelques dizaine de personnes ont manifesté devant l’Assemblée Nationale en soutien au président Archange Touadéra et à la modification de la constitution. « La modification de la constitution est le vœu du peuple… Soutien du peuple »,scandaient les manifestants ce lundi 30 mai dans les rues de la capitale centrafricaine.
Le cortège, moins impressionnant, a rassemblé plusieurs dizaines de personnes, en majorité des élèves du lycée Barthélemy Boganda et du lycée des martyrs contre une promesse de versement d’une somme de 1000 francs CFA par tête. Les organisateurs ont revendiqué près de 500 personnes, tandis que la société civile et les observateurs indépendants parlent quant à elle de moins de 70 manifestants.
L’un des organisateurs de la manifestation a précisé quant à lui que ce projet de la modification de la constitution est le vœu des Centrafricains. « La souveraineté nationale appartient au peuple centrafricain. Si c’est ce même peuple qui manifeste sa volonté en faveur de la révision constitutionnelle, rien ne peut empêcher cela », ajoute-t-il.
Mais dans la capitale Bangui, ce projet suscite d’ores et déjà de nombreuses controverses. Certains y voient une provocation du régime. « Quelle volonté du peuple ! Ils prennent une dizaine des gamins avec des cartons à la main pour venir devant l’Assemblée nationale et dire qu’ils manifestent en faveur de la modification de la Constitution. C’est vraiment la honte. Une véritable honte pour un enseignant universitaire, devenu Président de la République de tolérer ce genre de manipulation des gamins en cette période d’examens. L’échec de cette marche est un désaveu de la population à cette technique manipulatrice du pouvoir en place « déclare Guéret, un enseignant au lycée Barthélemy Boganda de Bangui.
Même dans les quartiers de la capitale, nombreux sont ceux qui expriment leur désapprobation pour une révision constitutionnelle en RCA. On entend même des slogans hostiles au pouvoir. La société civile et l’opposition démocratique entendent bientôt se réunir au sein d’un front commun en vue de barrer la route aux vœux du Président Touadera de modifier la constitution.
« Si le Président Faustin Archange Touadera veut terminer ce mandat qu’il a obtenu gracieusement par la complicité du Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU à l’époque en Centrafrique, de l’Autorité Nationale des Élections (ANE) et de la Cour Constitutionnelle; qu’il respecte la loi ». » Mais s’il choisit de mettre le pied sur l’accélérateur pour un autre mandat, il serait éjecté de la plus belle manière ». C’est parti ! Le combat ne fait que commencer. Monsieur Ferdinand MBOKOTO-MADJI, Président du CNCA-PDD n’a pas passé par quatre chemins pour mettre en garde le Président Faustin Archange Touadera. D’après lui, modifier la Constitution pour permettre à Touadera de rester au pouvoir et empêcher l’alternance démocratique est non seulement une forfaiture, une haute trahison et une aventure à très haut risque mais causerait des problèmes profonds et risquerait immanquablement de déclencher une guerre civile sans précédent.
Comme si le pays n’avait pas assez de soucis à se faire avec les affrontements réguliers entre groupes de guerriers et autres milices, l’élu met en branle la machine de charcutage de la loi fondamentale afin d’ouvrir la voie de la présidence à vie à Faustin-Archange Touadéra. Car le processus est classique et ne trompe plus sous les tropiques! Un parti politique ou le «peuple», c’est-à-dire des partisans zélés et des personnes très intéressées sur lesquelles le pouvoir fait tomber une pluie de billets de banque, ou encore un individu chargé de la basse besogne, portent, grossièrement, la volonté du prince. Comme vient de le faire Brice Kévin Kpakpayen!
La Centrafrique voudrait faire un pied de nez à l’Union africaine qu’elle ne s’y prendrait pas autrement! En effet, les lampions se sont à peine éteints sur le sommet extraordinaire de l’UA à Malabo qui condamnait le terrorisme, s’inquiétait des crises humanitaires et bannissait la mauvaise gouvernance et les tripatouillages de constitutions qui aboutissent inévitablement à des putschs militaires, que la République centrafricaine allume une nouvelle mèche. Pourtant, l’homme providentiel n’est pas de ce monde, encore moins le dirigeant éternel qui doit terminer les chantiers qu’il a lancés sous son règne. Non seulement l’Etat est, et doit être, continuité, mais en plus, tant que les pays ne sont pas dotés d’institutions fortes, ils ne peuvent se permettre de fonctionner sans des garde-fous et verrous bien sécurisés, comme la limitation des mandats, souvent à deux.
L’expérience a, du reste, montré que ce soit au Niger de Mamadou Tandja, au Burkina Faso de Blaise Compaoré ou plus récemment la Guinée de Alpha Condé, que ces coups de poignard contre la Constitution dans le but de prolonger la longévité du locataire du palais présidentiel, n’ont jamais porté bonheur à celui-ci, encore moins au pays. A l’instar des putschs militaires, et souvent plus que ceux-ci, les troisièmes mandats et plus si affinité, obtenus après modifications constitutionnelles, sont autant mortifères et crisogènes, voire chaotiques, que les prises de pouvoir par les armes.
Pour en emprunter au président nigérien Mohamed Bazoum, les coups d’Etat «constituent assurément un facteur de régression pour l’Etat de droit et la démocratie et exposent les pays à des périls inédits». Avec la Centrafrique qui compte prendre pour modèles ses voisins de la sous-région, comme le Cameroun, le Congo ou le Gabon où «cette limitation de mandat n’existe pas» à en croire le député centrafricain, partisan des mandats illimités, l’Union Africaine a encore de nombreux sommets à organiser, pour instaurer durablement les changements de pouvoir dans les balises fixées par la Constitution. D’ailleurs, en attendant que les desseins cachés de certains chefs de l’Etat soient dévoilés, il est déjà prêté, à tort ou à raison, à certains d’entre eux, l’intention de modifier leur loi fondamentale pour prolonger leurs mandats.
Dans cette Centrafrique très chrétienne, il faudrait sans doute initier de nombreuses séances de désenvoûtement pour libérer l’Archange des liens du démon de tripatouillage de la Constitution. (SPM/2022)
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