Afrique du Sud : l’ANC contraint à la coalition après trois décennies de règne
Le Congrès national africain (ANC), parti emblématique de Nelson Mandela, ne peut plus gouverner seul en Afrique du Sud. Perdre la majorité absolue avec seulement 159 sièges sur 400 au Parlement oblige l’ANC à chercher des alliés pour former une coalition, selon les résultats officiels annoncés dimanche par la commission électorale.
Résultats électoraux sans appel
Pour la première fois en trente ans, l’ANC a vu son emprise historique sur le Parlement ébranlée, obtenant moins de la moitié des sièges. L’Alliance démocratique (DA), principale force d’opposition, a obtenu 87 sièges, tandis que le parti uMkhonto weSizwe (MK) de Jacob Zuma, récemment formé, a surpris en raflant 58 sièges. Cette formation, créée il y a seulement cinq mois, n’a ni structure solide ni figure politique notable à l’exception de Zuma, qui n’était même pas candidat. Zuma, ainsi que 25 autres petits partis, conteste les résultats et demande un recomptage des voix.
Une commission électorale sous pression
Malgré les objections, la Commission électorale reste ferme sur le maintien de la cérémonie d’annonce des résultats prévue pour dimanche soir. Chaque réclamation sera examinée, mais l’événement se tiendra comme prévu.
Le verdict des urnes
Les résultats marquent une sanction claire des politiques de l’ANC par les électeurs, avec seulement 40 % des voix au niveau national. Le désir de changement a dominé les élections, exprimé par des citoyens comme Samson, un septuagénaire de Johannesburg, qui déclare- au micro de RFI :
Je veux changer le gouvernement, car ils ne font rien pour nous. Beaucoup de jeunes sont sans emploi et les infrastructures se détériorent.
Une perte de confiance généralisée
Le désenchantement envers l’ANC n’est pas seulement économique. Anele Hammond, intellectuelle sud-africaine, critique le parti pour ses promesses non tenues et son exploitation des souvenirs douloureux de l’apartheid pour manipuler les plus pauvres. « Ils nous dupent à chaque élection et nous oublient ensuite », a-t-elle confié à RFI.
Promesses non tenues et corruption endémique
L’ANC n’a pas réussi à améliorer les conditions de vie des Sud-Africains. Le développement économique stagne, les services de base comme l’électricité et l’eau restent inaccessibles pour beaucoup, et le chômage officiel atteint 34%. Si la génération ayant vécu l’apartheid garde une certaine loyauté envers l’ANC, les jeunes, en particulier les « Born Free » nés après l’apartheid, sont moins enclins à soutenir le parti historique, préférant souvent l’opposition ou l’abstention.
La corruption, qui s’est intensifiée sous la présidence de Jacob Zuma, est une autre raison majeure de la perte de confiance. Nelson Mandela lui-même s’en était plaint. Certains électeurs, se tournent vers l’opposition, espérant que des partis comme l’EFF apporteront le changement tant attendu.
Hlengiwe Ndhlovu, maître de conférences à l’École de gouvernance de l’université de Wits, attribue la défaite de l’ANC à une déconnexion croissante avec sa base électorale. Elle critique l’arrogance des nouveaux cadres du parti et leur éloignement des réalités de la majorité des Sud-Africains. Les campagnes électorales menées en Mercedes blindées par des cadres du parti illustrent cette déconnexion.
Malgré ces revers
L’ANC a encore attiré plus de six millions de voix, mais a perdu son emprise sur des bastions historiques comme Soweto. Plusieurs électeurs blâment la mauvaise gestion économique, exacerbée par la pandémie de Covid-19, pour leur désillusion.
Avec seulement 40 % des voix, le message des électeurs est clair : le changement est nécessaire. Peu importe si le parti alternatif est nouveau et sans programme concret, pour beaucoup, tout sauf l’ANC représente une meilleure option.
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