RIO DE JANEIRO, 3 OCTOBRE (ASPAMNEWS)- Au terme d’une campagne extrêmement polarisée, les résultats sont bien plus serrés que ce que ne prédisaient les sondages. L’ancien président, qui récolte 48,4 % des voix, et le sortant, Jair Bolsonaro, (43,2 %) s’affronteront au second tour, le 30 octobre.
En effet, l’ancien président brésilien Luiz Inácio Lula Da Silva (Parti des Travailleurs, gauche) arrive en tête des élections présidentielles organisées ce dimanche, avec 45,99% des voix, légèrement devant son rival de droite, l’actuel chef d’Etat, Jair Bolsonaro (45,29) après le dépouillement de 73,31% des bulletins de vote, un résultat qui exige un deuxième tour le 30 courant pour départager les deux candidats.
«Nous allons gagner. Ce n’est que partie remise», réagissait un Lula abattu, la voix éraillée, et désormais contraint de faire encore un mois de campagne. Car s’il est bien arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, avec 48,39 % des suffrages exprimés, le leader de gauche ne l’a pas emporté dès le premier tour, comme il l’escomptait, et devra affronter en ballottage, le 30 octobre, un Jair Bolsonaro requinqué, qui fait un score largement supérieur à ce que lui prédisaient les sondages : 43,33 %. Malgré le fort rejet qu’il inspire à une large part des Brésiliens, le chef de l’Etat s’est payé le luxe d’engranger environ 1,5 million de voix de plus qu’en 2018.
«Nous avons vaincu le mensonge de Datafolha [le principal institut de sondage, ndlr]», a réagi pour sa part l’intéressé, tout en mettant en garde «ceux qui veulent le changement. Parfois, le changement peut être négatif».
«L’extrême droite a phagocyté la droite traditionnelle»
Le suspense aura duré jusqu’au bout. Jusqu’à 20 heures, heure de Brasília, Jair Bolsonaro (Parti libéral, PL) est même en tête. Puis Lula passe devant, avec le début du dépouillement dans le Nordeste, le bastion de son Parti des travailleurs (PT). Au final, le score est beaucoup plus serré que prévu. Il est même le plus serré depuis le retour au suffrage universel en 1989, après la dictature.
«Comme aux Etats-Unis entre Biden et Trump en 2020, Lula et Bolsonaro font des scores historiquement élevés, ce qui démontre une forte polarisation de l’opinion, analyse Habib Nassar, associatif brésilo-américain et fin observateur des deux pays. Il est clair que l’extrême droite brésilienne a phagocyté la droite traditionnelle, comme c’est le cas dans d’autres pays également.» Victime de cette cannibalisation: le parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), qui vient de perdre son assise de São Paulo. Ce qui devrait enterrer le projet d’une alliance voulue par le PT avec ce parti, afin de reproduire l’expérience chilienne de la Concertación, cette coalition qui avait stabilisé le pays après la fin de la dictature de Pinochet.
«Le bolsonarisme vainqueur»
Au Congrès de Brasília ainsi que dans les scrutins régionaux qui se tenaient en parallèle, même constat : «Le bolsonarisme est le grand vainqueur des urnes», reconnaissait, sur Twitter, le sociologue Alberto Carlos Almeida, spécialiste des enquêtes d’opinion. «L’extrême droite s’est bel et bien enracinée dans le pays», renchérissait le commentateur Octavio Guedes sur GloboNews. Et sa résilience s’ancre dans le Sudeste prospère et très peuplé (près de la moitié de l’électorat). A São Paulo, l’Etat le plus puissant du pays, le candidat bolsonariste au poste de gouverneur, Tarcísio Freitas, arrive en tête, alors qu’il était donné bon second derrière Fernando Haddad, poulain de Lula (ils disputeront également un second tour). A Rio et dans le Minas Gerais, deux gouverneurs bolso-compatibles ont été élus haut la main dès dimanche soir.
Au Sénat, Bolsonaro a fait élire 13 sénateurs, contre seulement 8 pour Lula. Avec des pointures bolsonaristes comme Damares Alves, une pasteure réactionnaire qui occupait le ministère de la Femme, de la amille et des droits humains.
«In fine, Luiz Inácio Lula da Silva va peut-être l’emporter, écrit Marcelo Godoy, dans O Estado de São Paulo. Mais il devra cohabiter avec un Congrès encore plus bolsonariste que celui qui avait été élu il y a quatre ans. En fait, il sera pris en sandwich par la droite dure comme par la gauche radicale qui a décroché des sièges parlementaires.»
Malgré la tension qui accompagne les élections les plus polarisées de l’histoire de la première puissance latino-américaine, le président du Tribunal électoral suprême (TES), Alexandre de Moraes a rassuré que les élections générales de ce dimanche se sont déroulées dans la « normalité » même si des incidents isolés ont été enregistrés.
Plus de 156,4 millions d’électeurs étaient appelés à se rendre aux urnes ce dimanche pour choisir le président de la République, 27 gouverneurs, 27 sénateurs, 513 députés fédéraux, 1.035 députés d’État et 24 députés du District fédéral. L’électorat s’est étoffé de 9,1 millions électeurs par rapport aux élections de 2018.
Environ 697.000 Brésiliens ayant leur « domicile électoral à l’étranger » pouvaient aussi voter exclusivement pour les postes de président et de vice-président de la République. (SPM/2022)
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