CAMEROUN: le journaliste Martinez Zogo cruellement assassiné, violence d’un système, des hommes de médias complices
YAOUNDÉ, 23 JANVIER (ASPAMNEWS)- Martinez Zogo est mort ! Les Camerounais et ses fidèles auditeurs ne le verront plus et n’auront plus droit à ses chroniques piquantes sur Amplitude FM. Un journaliste populaire d’une station de radio émettant à Yaoundé, Martinez Zogo, porté disparu depuis plusieurs jours, a été retrouvé mort, ce 22 janvier Ebogo (à 15 kilomètres au nord de Yaoundé) Le substitut du procureur était présent et son épouse était là pour le reconnaître », a déclaré Charly Tchouemou, rédacteur en chef de la radio Amplitude FM où travaillait le journaliste. Avant sa mort, Martinez Zogo a passé de sales moments entre les mains de ses ravisseurs. C’est ce que révèlent les premiers résultats de l’autopsie.
Enlevé le 17 janvier, retrouvé mort le 22 de ce même mois! Ce fut le triste destin de Martinez Zogo, journaliste à forte audience, sur la radio Amplitude dont il était le directeur et sur laquelle il animait l’émission Embouteillage où les affaires sales et autres comportements inciviques étaient dénoncés à foison. Ce micro explosif tenu par le journaliste camerounais est désormais muet, pour le plus grand plaisir des prédateurs de la presse et ces nombreuses personnes pour qui la liberté d’expression est urticante. Cette voix dérangeante pour certains, mais indispensable pour la moralisation de la société, a été éteinte pour de bon.
Mort atroce que fut celle de notre confrère dont le corps a été découvert nu et en état de putréfaction avancé, selon les premières constatations! Un «assassinat odieux» dénoncé par le Syndicat national des journalistes du Cameroun. Du reste, les membres de ce regroupement qui défend les intérêts de la corporation, craignent, à juste titre, que les conséquences de cet acte ignoble «restreignent davantage «la liberté et la sécurité au Cameroun».
Mais le Cameroun est loin d’être le seul pays où la chasse est ouverte contre les journalistes! Au Burkina Faso, les autorités de la transition, ont dû hausser le ton dans une déclaration face aux sorties hasardeuses et haineuses d’individus, et même de politiciens en mal de publicité, contre des hommes de presse qui n’ont eu que pour tout tort de vouloir donner la bonne information et surtout de dénoncer des dérives, juste pour qu’elles soient corrigées. Ainsi en a-t-il été, au Cameroun, de Martinez Zogo, et au Burkina, de Norbert Zongo -deux noms qui riment- le promoteur de L’Indépendant, lui brûlé vif, avec ses compagnons de voyage, un certain 13 décembre 1998.
Au Pays des Hommes intègres, le cas le plus récent est la fatwa lancée contre le journaliste de profession, Newton Ahmed Barry, qui a été menacé de mort! Le Rubricon a été franchi et ne fait que renforcer la chape de plomb qui pèse maintenant sur les journalistes qui sont contraints au silence sur certains sujets. Au Mali, le musellement de la presse ne dit pas non plus son nom. A moins d’accepter de verser dans la propagande de la junte militaire au pouvoir à Bamako, il faut avoir un certain cran ou simplement être suicidaire pour contredire les autorités de la transition.
Même dans des pays dits phares de la démocratie en Afrique, comme le Sénégal, où des journalistes comme Pape Alé Niang sont mis à l’ombre pour avoir osé assouvir la soif de s’informer des populations, le journalisme qui a toujours été un métier à risque est devenu un danger de mort! «Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire»! Le temps est visiblement révolu où Evelyn Hall faisait recette avec cette célèbre et noble formule attribuée à Voltaire.
La liberté d’expression est aujourd’hui la valeur la mieux foulée aux pieds et la presse qui portait avec dignité et responsabilité son statut de 4e pouvoir se cherche en attendant des jours meilleurs. Des jours meilleurs qui eux…se font attendre!
Depuis l’annonce de la disparition de Martinez Zogo, de nombreuses personnalités politiques se sont saisies de leurs réseaux sociaux pour exprimer leur indignation. C’est le cas de Mamadou Mota.
« Silence !!! On tue. Ou vous vous battez contre le système cannibale ou vous serez assassiné l’un après l’autre après avoir rendu service aux uns et offensé les autres. Mes militants sont morts en prison dans un silence violent, des détenus anglophones ont été assassinés froidement, personne n’a pipé mot, est-ce qu’il faut donc que chacun pleure ses morts? Ils enverront des gens justifier ce meurtre odieux aujourd’hui dans les chaînes de TV…Moi, je suis mort depuis… », écrit-il.
Le 1er vice-président national du MRC tacle les défenseurs du régime Biya. « A ceux qui doute de la violence de ce régime, continuez à jouer aux courageux ou aux collaborateurs, vous payerez ….Il n’y aura pas d’enquête, la mise en scène est connue. De quelle autorité parlez-vous? Le porte-parole du gouvernement a clairement dit que c’est la punition que mérite Zogo. Avons-nous de magistrat à Yaoundé qui puisse parler aux présumés suspects? Aucun !!! Mais, ce qui arrive est le miroir du grand soir. »
Selon le journaliste Paul Daizy Biya, qui confie avoir obtenu des proches du défunt les détails de l’autopsie, « Martinez Zogo a un pied cassé, des doigts coupés, il a reçu des décharges électriques, on lui a fait manger ses excréments, la langue n’avait pas sa position normale, on lui a fait rentrer un objet dans l’un des orifices utile pour besoins naturels ».
Crime crapuleux
Le journaliste a ajouté que la famille de Martinez Zogo n’a aucun doute sur l’identité du commanditaire de ce crime odieux. « Un neveu du disparu n’a pas arrêté de prononcer sans se cacher le nom de celui qu’ils estiment être le commanditaire de ce crime crapuleux, aussi ».
Le journaliste JP Remy Ngono partage entièrement cette déduction. « Son acharnement justifié et noble afin de découvrir la vérité sur les chapitres 65, 94 et 57 du budget général de l’État lui a coûté la vie. Il est mort en raison de ce qu’il savait. Victime de ce qu’il savait sur ces chapitres budgétaires. Victime de ce qu’il a publié. Victime de ce qu’il entendait manifestement publier par la suite au vu de sa détermination. », a-t-il confié.
Outre les membres de la famille de Martinez Zogo qui sont venus manu militari s’emparer des affaires du journaliste devant sa femme sans défense, deux jours avant la mort confirmée de ce dernier, Jean Crépin Nyamsi requiert l’arrestation de l’épouse du confrère.
Jeans Crépin Nyamsi se pose tout de même des questions que tout enquêteur se poserait dans le cas d’espèces. Pour contextualiser, deux jours avant la mort de Martinez Zogo, Prétextant venir sécuriser des documents (quels documents même?) des proches parents du confrère sont passés au domicile de ce dernier et ont pris y compris des affaires personnelles du couple dont des titres fonciers et certificats de propriété.
« La femme de Martinez Zogo demande ce que leurs biens personnels viennent chercher dans cette affaire. L’oncle paternel ne répond pas. Ils ont tout pris laissant en larme cette dame qui a déjà passé près de 20 ans aux côtés de Martinez bien qu’ils n’étaient pas mariés » indiquait Boris Bertolt.
Le calme dont a fait preuve la femme de Martinez Zogo n’est pas tout à fait clair pour Jean Crépin Nyamsi qui demande à ce que cette dernière soit arrêtée et auditionnée pour connaitre son niveau d’implication.
« Ils doivent connaître quelque chose dans la mort du journaliste. Au lieu de pleurer et d’organiser les recherches dans tout Yaoundé, une famille court pour arracher les biens du journaliste des mains de sa femme et la police n’a rien fait pourquoi ? La femme de Martinez Zogo doit aussi être aux arrêts. Elle n’est pas montée au créneau comme une femme brave pour mettre la pression aux autorités » s’offusque Nyamsi. (SPM/2023)
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