16 SEPTEMBRE (ASPAMNEWS)- Quatre fois candidat malheureux à la présidentielle, l’opposant historique kényan Raila Odinga dément dans un entretien à tout accord avec le président Uhuru Kenyatta avant le scrutin de l’an prochain, auquel il n’exclut pas de se présenter.
Figure politique de cette grande puissance d’Afrique de l’Est, le vétéran Odinga, aujourd’hui âgé de 76 ans, a brigué quatre fois la présidence en 1997, 2007, 2013 et 2017.
Mais s’il reste très populaire, son image d’éternel opposant est écornée depuis le rapprochement avec le président Uhuru Kenyatta amorcé il y a trois ans.
La réélection de ce dernier en 2017 avait donné lieu à des violences faisant plusieurs dizaines de morts. MM. Kenyatta et Odinga avaient alors décidé d’une trêve, symbolisée par une poignée de main restée célèbre sous le nom de « The Handshake » en mars 2018.
Pour beaucoup de Kényans, ce rapprochement, qui s’est depuis approfondi, pourrait même aboutir à un pacte entre les deux hommes pour la présidentielle du 9 août 2022.
« C’est de la propagande colportée par des intrigants », a balayé Raila Odinga lors d’une interview réalisée dans son bureau à Nairobi.
« La situation était très polarisée dans le pays. Il y avait eu des manifestations, un usage intensif de la force, des gens mouraient. Il fallait résoudre ça », affirme-t-il: « Le résultat de la poignée de main, c’est que la paix est revenue dans le pays ».
– « Pas le moment » –
Il assure n’avoir aucun intérêt personnel dans le projet de révision constitutionnelle baptisé « Building Bridges Initiative » (BBI), qu’il a conjointement porté avec Uhuru Kenyatta.
Ce processus de révision constitutionnelle a été déclaré illégal par un tribunal et une cour d’appel, mais le gouvernement a annoncé début septembre qu’il allait déposer un recours contre ces décisions devant la Cour suprême.
Ce projet vise à élargir l’exécutif – en créant notamment un nouveau poste de Premier ministre – pour atténuer le système actuel du « vainqueur rafle tout », cause selon le président des conflits post-électoraux qui ont jalonné l’histoire du pays.
Certains y voient en réalité un pacte en vue de l’élection de 2022 dans lequel Odinga briguerait la présidence, avec le soutien du parti présidentiel Jubilee, en échange d’un poste de Premier ministre pour M. Kenyatta qui n’a pas le droit de briguer un troisième mandat présidentiel.
« Je n’ai aucun pied dans le gouvernement. Je n’ai aucun contact avec le gouvernement. Il n’y a pas un seul membre de mon parti qui occupe un poste dans l’exécutif », affirme M. Odinga qui a pris part à de nombreuses cérémonies officielles ces dernières années.
Surnommé « Agwambo » (« le mystérieux ») dans sa communauté Luo, M. Odinga n’a pour l’instant pas dévoilé s’il serait candidat pour la cinquième fois, au scrutin d’août 2022. « Je parlerai de ce sujet en temps voulu », a-t-il déclaré: « Ce n’est pas le moment maintenant ».
– « Autodidacte » –
S’il est candidat, Raila Odinga aura pour grand rival le vice-président William Ruto qui s’était initialement vu promettre le soutien de M. Kenyatta pour la magistrature suprême en 2022.
Son divorce avec le président est désormais public et M. Ruto, pourtant n°2 de l’Etat, se retrouve dans la position de l’opposant du pouvoir, chère à Odinga.
Il se présente comme le défenseur du petit peuple et des « débrouillards » venus de la rue face aux « dynasties » incarnées par MM. Kenyatta et Odinga, dont les familles sont au coeur de la politique kényane depuis l’indépendance en 1963.
L’ancien Premier ministre (2008-2013) dément, se revendiquant « autodidacte ». « Je n’ai rien hérité de personne. Ce que je possède, j’ai travaillé pour cela », affirme celui qui fut emprisonné pendant huit ans au tournant des années 1980 et 1990.
M. Ruto, de 22 ans son cadet, espère que son discours sur les « débrouillards », appuyé par son parcours depuis une famille modeste de la vallée du Rift jusqu’au sommet du pouvoir, trouvera un écho dans la jeune population kényane.
Raila Odinga, grand-père de cinq petits-enfants, assure qu’il sera « très heureux de céder (les rênes) à une personne plus jeune ». Mais pas tout de suite.
« J’ai un passé que les Kényans connaissent très bien », a-t-il déclaré en conclusion de l’entretien: « Ils savent que si j’en ai l’opportunité en étant à la tête du gouvernement, je peux amener beaucoup de changements. » (SPM/2021)
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