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Covid-19 : les experts de l'OMS sous haute surveillance à Wuhan

(ASPAMNEWS)- Mandatés par l’Organisation mondiale de la santé, dix scientifiques arriveront jeudi en Chine pour retracer l’origine de la pandémie. Une enquête internationale ultrasensible pour les autorités chinoises.

Ils seront dix. Dix experts en virologie, santé publique, zoologie, épidémiologie, venus d’Allemagne, d’Australie, du Danemark, des Etats-Unis, du Japon, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, du Qatar, de Russie et du Vietnam. Un an exactement après le premier mort officiel du Covid-19, Pékin a, enfin, donné son feu vert à l’équipe de scientifiques mandatés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour venir enquêter à Wuhan sur l’origine du coronavirus.

Les parties clés de l’enquête menées par la Chine

Jeudi dernier, après des mois de tractations, certains étaient déjà en route quand la Chine a annoncé que tous leurs visas étaient rejetés sous prétexte que «retracer l’origine du virus est une chose très compliquée». Après des protestations générales, notamment celles de Tedros Adhanom Ghebreyesus, le patron de l’OMS pourtant très conciliant avec Pékin, les choses se sont débloquées ce week-end, les autorités chinoises arguant d’un «malentendu».

Un «malentendu» qui rappelle la difficulté de la mission. La visite est prévue pour durer «environ cinq ou six semaines», et le programme n’a pas été rendu public, mais pour la première fois, les enquêteurs de l’OMS pourront accéder à Wuhan, épicentre de la pandémie, où ils atterriront ce jeudi en provenance de Singapour. Après leur arrivée dans la capitale régionale du Hubei, ils devraient être soumis à une quarantaine, qui pourrait durer 15 jours.

Ils seront ensuite accompagnés dans tous leurs déplacements par des scientifiques et officiels chinois. Selon des documents confidentiels obtenus par le New York Times en novembre, l’OMS a accepté que les parties clés de l’enquête (premiers patients et rôle du marché aux poissons) soient menées par la partie chinoise. Les experts étrangers ne seraient autorisés qu’à «examiner» et «augmenter» les résultats de leurs homologues chinois, mais pas à refaire les recherches.

Les visons dans le viseur

Alors que la pandémie a déjà fait près de 2 millions de morts dans le monde, il est crucial pour les scientifiques de comprendre sa source. Il est à peu près certain que l’hôte naturel du Sars-Cov-2 est une chauve-souris. Mais on ne sait toujours pas par quel moyen le coronavirus a été transmis à l’homme. Le marché aux poissons de Wuhan, longtemps considéré comme l’épicentre de la pandémie, a été fermé et désinfecté le 31 décembre 2019. Mais ce dernier est plutôt désormais considéré par les scientifiques comme un des premiers foyers connus de transmission interhumaine, et non plus comme le lieu de la première transmission de l’animal à l’homme.

Deux pistes majeures d’origine de la pandémie devraient être examinées par les experts. D’abord, l’hypothèse de la fuite accidentelle du coronavirus d’un laboratoire de virologie de Wuhan. L’examen des carnets de recherches, et la comparaison entre le séquençage des virus étudiés en laboratoire et celui qui circule, pourrait infirmer ou confirmer le doute.

Les enquêteurs pourraient aussi creuser une piste jusque-là peu évoquée, celle d’une transmission à l’homme des élevages intensifs d’animaux à fourrure, notamment les chiens viverrins (sorte de raton laveur) et les visons. Selon une enquête publiée par le site Reporterre ce week-end, «la Chine est le premier marché et le premier producteur de fourrure mondiaux, et la colossale branche chinoise de cette industrie pèse plus de 20 milliards de dollars annuels, avec plus de 50 millions de têtes. Or, si les animaux d’élevage traditionnels (bovins, porcins, volailles…) ne semblent pas infectés par le coronavirus, c’est l’inverse pour les animaux à fourrure : les trois principales espèces – vison, renard, et chien viverrin – y sont hautement sensibles».

Mais le plus gros obstacle de l’enquête pourrait être politique. Après la gestion catastrophique des premières semaines après la découverte de la nouvelle infection pulmonaire (silence imposé aux médecins, organisation d’un banquet de 40 000 familles à Wuhan, pressions sur l’OMS pour sous-estimer la gravité de l’épidémie…), le pouvoir chinois a réussi jusque-là à empêcher l’accès des experts internationaux à Wuhan, allant jusqu’à imposer des sanctions commerciales à l’Australie pour la punir d’avoir réclamé une enquête, ou, en décembre, à condamner à quatre ans de prison une journaliste citoyenne qui avait filmé la panique dans les hôpitaux de Wuhan. Il est crucial pour le Parti communiste chinois de maintenir le récit qui le dédouane de toute erreur, lui permet de vanter la supériorité du modèle chinois autoritaire, et de faire la publicité pour ses vaccins.

Produits congelés

Depuis des mois, la propagande officielle affirme que le virus aurait été importé par des sportifs américains en octobre 2019, et chaque nouveau cas de Covid en Chine est systématiquement imputé à des produits congelés importés, bien que ce soit hautement improbable. Et depuis la semaine dernière, le gouvernement chinois affirme, contre toute évidence, que le Sars-Cov2 était présent ailleurs sur la planète avant son arrivée sur le territoire chinois.

Ainsi, dans sa conférence de presse donnée ce lundi, Zhao Lijian, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a indiqué aux experts la ligne que le Parti aimerait qu’ils suivent : «Le traçage de l’origine du coronavirus impliquera probablement plusieurs pays ayant […] eu un plus grand nombre de cas détectés au tout début de l’épidémie, et l’OMS devra mener des enquêtes similaires dans d’autres pays et régions.» (LBT/2021)

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